Roman
19,00 €
174 pages
mai 2007
978-2-84921-112-0
Chapitre I
André Grolaz se détachait dans l’encadrement de la porte. Ses larges épaules touchaient presque les montants en épicéa, tandis que sa tête, surmontée d’un chapeau de feutre noir, frôlait le linteau usé par le temps.Le petit jour pointait à peine et la journée s’annonçait belle avec un ciel dégagé et serein en cette fin d’été. André Grolaz avait passé une nuit plutôt agitée. D’habitude, il dormait du sommeil du juste, son ronflement faisant vibrer les poutres de la vieille masure qui se calait au creux de l’alpage. Mais, cette fois, il lui avait semblé percevoir quelque bruit étrange par intermittence. Un bruit venu de la forêt.Depuis la vingtaine d’années qu’il occupait Champ Laitier, il n’avait encore jamais connu une telle sensation. Le paysan se grattait les cheveux en soulevant son chapeau. Il réfléchissait à cette sorte de voix sortie du noir, une espèce de hululement, mais plus long, plus lugubre. La chouette de Tengmalm qui habitait dans les parages, il connaissait. Le bruit était comparable mais il savait que ce n’était pas celui de l’oiseau nocturne.André jeta, comme à chaque aube, un œil sur son troupeau de jeunes bovins qui paissait tranquillement aux abords de la ferme.Une cinquantaine de bêtes trouvaient là leur bonheur. Elles fouillaient à l’envi l’herbe grasse de cet alpage niché entre la forêt des Frêtes et les pentes de la montagne de Sous Dine. En ce début de journée, André aperçut un ou deux chamois qui s’enivraient d’herbage, à l’orée du bois, prêts à fuir au moindre danger.
Cette montagne, sa montagne, il l’aimait, l’adorait, la vénérait presque, tant elle lui avait apporté de joies, d’observations, de moments parfois durs aussi, mais riches. Les terres d’altitude, sur lesquelles il vivait été comme hiver, s’abritaient du dôme de la montagne, déclinaient sa falaise, puis sa pente douce jusqu’aux clôtures qui entouraient la ferme familiale. Il tenait ce bâtiment de son père, lui-même héritier de son père. Après la mort de son géniteur, André avait songé à y habiter en permanence. Un automne venu, après une dizaine d’étés passés à enmontagner, ce savoyard pure souche décida de vendre la maison de la vallée, huit cents mètres plus bas, et choisit de s’installer définitivement toute l’année là-haut. Le village entier le prit pour un fou.
Xavier Lempereur appuya comme un fou sur le klaxon de sa BMW. Pris dans l’embouteillage quotidien du périphérique, il se rendait à son bureau, au centre de Paris. II fallait que la route se dégage devant lui, comme il aimait qu’elle se libérât dans la vie, dans son travail.Xavier Lempereur était un battant, un brûleur de jours par les deux bouts, un rouleau compresseur que rien ne devait arrêter. Le jeune homme avait mal dormi cette nuit, ce qui le rendait un peu plus nerveux qu’à l’habitude. Non seulement il avait fait la fête en boîte jusqu’à une heure avancée, puis l’amour avec une de ses conquêtes nocturnes, mais il avait aussi remué, entre deux orgasmes, l’idée de son projet immobilier en province. Un vaste complexe dont il devait aller se rendre compte sur place dans les prochains jours. Il avait quitté la fille avec un fort mal de tête et avait sauté dans sa voiture pour rejoindre Transimmo, le cabinet immobilier qu’il avait créé voici cinq ans. Le chiffre d’affaires ne cessait de grimper, plaçant désormais l’affaire dans le quota de la promotion immobilière.À un feu rouge, il ouvrit la vitre fumée et vida son cendrier par dessus bord. La musique techno s’expulsait avec fortes vibrations de son autoradio. Xavier Lempereur, pourvu de son « bac plus quatre », tenait la tête de cette société. Il s’était entouré de cinq assistants et d’une secrétaire, triée sur le volet, non seulement pour ses compétences professionnelles, mais aussi pour son joli physique.Au bout d’une heure de trajet mouvementé, le patron poussa la porte de Transimmo.
Loïc Quintin
Accompagnateur en montagne et guide touristique, l’auteur parcourt régulièrement la nature et vous offre ici ses impressions. Écrivain, peintre, cette nature l’inspire. Il défend ses richesses chaque jour et dénonce les agressions dont elle est victime.
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