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ZU c’est aujourd’huiLe ZU qui te dit sur la planche à lire avec l’œil, que quand tu le vois pas, c’est grave. Moi, je l’ai appris par cœur au cas où. Quand tu sais ZU, c’est moins grave. Tu te rends compte, le type qui n’arrive pas à lire ZU et qui oublie de l’apprendre par cœur ?

Le pire, c’est quand tu l’as appris et que tu l’as oublié devant la carte à l’œil parce que la doctoresse t’a un peu tripoté le zizi. Tu l’as appris pour rien. En plus, t’es tellement bigleux que si ça se trouve, ta doctoresse, c’était un docteur !

Le temps de penser tout ça et le pain a coulé dans le café au lait.

TRouduc m’a accompagné sur une partie du trajet de l’école, comme chaque jour.

Elle m’attendait, assise devant la porte de Camille, et elle a marché à côté de moi jusqu’au dernier croisement.

Avant de traverser, j’ai ouvert le cartable, défait le paquet que maman a préparé pour le goûter et lui ai donné le pain. Elle l’a avalé d’un coup. J’en ai fait de même avec le chocolat. Comme ça, il reste plus longtemps dans ton ventre.

Trouduc, c’est la chienne de Camille.En vérité, elle s’appelle Diane. C’est Camille qui l’appelait Trouduc. Il se faisait toujours gronder par sa mère.

Une belle hypocrite, celle-là. Maintenant qu’il s’est fait écraser en traversant la nationale, elle pleure toute la journée. Avant, elle faisait que l’engueuler.

Moi, je passais prendre Camille, ça me faisait un détour, et nous allions ensemble à l’école. Trouduc nous accompagnait tous les deux.

Maintenant, je fais encore le détour, et c’est moi que Trouduc accompagne. Je l’aime bien, Trouduc, ça me fait plaisir de partager mon goûter avec elle. Surtout que j’aime pas le pain quand il n’y a pas de café au lait pour le tremper dedans.

Camille était à côté de moi en classe. Il devait me tenir chaud, parce que, maintenant, il m’arrive d’avoir froid du côté où il est plus là.

J’aime l’histoire. La maîtresse a raconté Bayard et je me suis imaginé sur le pont, empêchant tous les Italiens de passer. Comme lui. Mieux que lui. Alors que mon épée était rouge du sang de l’ennemi en déroute, une armée de chinois est arrivée. Eux non plus n’ont pas pu traverser le pont. Et encore, mon cheval était fatigué, j’ai dû tuer leur chef pour récupérer le sien. Un superbe destrier, tout noir, qui se cabrait devant l’ennemi. Au fait, ça saigne de quelle couleur, un Chinois ? Les Noirs, je sais, grâce à Mamboo. On avait parié et il s’était coupé le bras pour nous montrer. Son sang est rouge et ça lui a rapporté un plein sac de billes. Tu te rends compte, la chance !

Bon, je suis sur le pont et soudain les Chinois s’écartent. Alors s’approche, étincelant de lumière blanche, Lancelot du lac lui-même. Il veut traverser aussi, mais je lui explique que ce n’est pas possible. D’abord, il dégaine sa merveilleuse épée et puis, voyant que je ne recule pas, admire ma grande bravoure. Nous ne nous battons pas.

C’est Lancelot du lac qui m’a adoubé chevalier.