Un peu banal accident

J’avais marché une bonne partie de l’après-midi…

J’adore marcher quelques heures dans les collines (les montagnes comme disent les gens du cru) toutes proches de chez moi. En quelques minutes, je peux ainsi quitter la ville et trouver un peu de détente dans une nature très accueillante.

Drôle d’idée que ce repos-là puisque, quand je marche, ma tête fonctionne à plein régime… Je règle ainsi les menus ou gros problèmes dont j’avais, toujours pour de mauvaises raisons, reporté jusque-là le traitement.

Je règle ! Pas si sûr, car, bien souvent, je ne me souviens qu’avec difficulté, voire plus du tout, de la solution pourtant géniale que je trouve au détour magique d’un chemin ou à l’entrée d’une clairière.

Nos montagnes offrent ici, dans notre midi moins le quart, toute une variété de paysages comme hésitants entre garrigue provençale, pins et sapins du plateau ou encore frênes, hêtres et boulots des collines rhodaniennes. Paysages aussi changeants par la nature des frondaisons que par les couleurs qu’elles exposent avec les saisons.

Je viens ici chercher, dans les ondes chaleureuses de la végétation, les indices de l’annonce de la saison nouvelle.

De la couleur si variée des feuilles à l’apparition de la première petite fleur, du chant de tel ou tel oiseau à la fuite du premier loir : cette masse d’informations est pour moi aussi importante et nécessaire que les informations de France Inter.

J’avais bien marché.

Au prochain virage en léger dévers, je verrai s’ouvrir la vallée et, de là, je prendrai le clocher pour repère et je le garderai en vue jusqu’à mon arrivée sur la petite place à côté du Clos du Curé.

La vallée dont je parle est habitée par un ruisselet, un ru quelconque baptisé « Le Bachasson », qui ne sort de son lit, le fainéant, qu’une fois par siècle vu qu’il n’y dort jamais puisque l’endroit est sec, on dit ici : «sec comme oun babéou !», sauf à recevoir de grosses pluies. Alors Bachasson existe le temps d’un orage, met tout en l’air sur son passage puis disparaît jusqu’au prochain éclair de taille.

Me voilà dans le fameux virage… L’arbre là… Ce n’est pas le bon…

J’ai mélangé en rêvassant les embranchements et les virages. Je dois être un peu plus haut que prévu. Ce sera le prochain. Voici le bouquet d’arbres puis le pont…

Ah, mais ce n’est pas encore le bon pont !

Qu’ai-je donc fait ? Réfléchissons.

J’ai pris là-haut à droite puis encore à droite à l’embranchement du Serre et je suis descendu tranquillement jusqu’au virage de chez DESSU. Bon sang de bon soir ! C’est là ! J’ai pris à gauche encore, comme d’habitude, au lieu de descendre à droite. Je suis trop haut encore sur la pente, beaucoup trop haut ! Il me faut plonger et vite maintenant parce que la nuit va tomber et je ne suis équipé d’aucun moyen d’éclairage…

Pas de panique. Je connais cet endroit comme ma poche. Enfant, j’y rejouais avec mes copains les westerns vus au Cinéma des Ecoles et j’y visitais les tunnels laissés par l’exploitation, au cours du 19ème siècle, du minerai de fer.

Ce n’est tout de même pas ici que je vais me perdre !

Alors, je prends à droite jusqu’au gros chêne, je laisse le chemin pour prendre la pente. Je retrouve le chemin, le pont avec les éboulis d’étoiles, curiosité locale que beaucoup viennent fouiller.

En effet, au pied de la colline à l’entrée d’un petit pont, on trouve, en grattant à peine le sol friable, de petits fossiles d’une algue qui pullulait ici lorsque la mer recouvrait les terres et qui forment aujourd’hui un empilage d’étoiles collées les unes sur les autres.