Théâtre
15,00 €
70 pages
avril 2007
978-2-84921-111-3
Prologue
Décor unique : une large scène représente simultanément, en arrière-plan, un bois, un village, un château. Le premier plan est un lieu de passage indéterminé, où se déroule la majorité des actions. Quand il s’agira de scènes à la localisation précise, elles pourront se jouer devant le bois, le village, le château… Entre (du côté du bois) un personnage sans âge, vêtu d’un habit sombre, coiffé d’un bonnet pointu, comme celui d’un astrologue de fantaisie, et tenant à la main une baguette. Tout en débitant son monologue, il se déplace à grandes enjambées, d’un côté à l’autre de la scène, puis revient sur ses pas. Il souligne les mots importants de sa tirade en marquant un temps d’arrêt dans sa déambulation.
Le personnage, seul. – Je me suis toujours demandé ce qui faisait courir les hommes… Et les femmes ! Et ma baguette (Il la regarde d’un air piteux.) ne m’a été d’aucun secours pour découvrir la vérité. Tout au long de leur vie, vous les voyez (Il prend à témoin les spectateurs.) qui courent, qui s’agitent, à la poursuite d’on ne sait quoi. On dirait des courants d’air qui s’entrecroisent. Il faudrait être un philosophe, un saint, ou peut-être un fou, pour deviner ce qui les fait agir. (Il s’interrompt, perplexe.) Les pires sont peut-être les femmes. Quoique… La différence d’un sexe à l’autre n’est pas si grande que l’on croit. Tel qui s’enorgueillit de sa virilité, poussez-le dans ses retranchements, et vous l’entendrez émettre des petits cris de jeune fille, quand la puberté lui échauffe les humeurs. Et telle que vous aurez épousée pour sa candeur, sa soumission, en croyant qu’elle vous ferait la vie douce, quelle virago, à l’usage ! Bah ! Aucun homme ni aucune femme, s’ils étaient sages, ne devraient conclure un contrat de vie commune, avant d’avoir mangé ensemble un kilo de sel !
Voix dans le public. – Mais qui es-tu, toi, vieux radoteur, qui nous assommes avec tes leçons de morale ?
Autre voix dans le public. – Oui, dis-nous ton nom, espèce de vieux fou, que nous sachions au moins sur qui nous allons jeter nos pierres !
Le personnage. – Qui je suis ? Eh ! Si je le savais, je vous le dirais volontiers…
Première voix. – Fais le malin, ça te va bien ! Au reste, peu nous importe qui tu es, homme ou femme. Dis-nous seulement si tu as un nom parmi les vivants, ou s’il faut aller chercher ton état civil en enfer !
Le personnage. – Eh bien, seigneurs, vous serez satisfaits. Je réponds au nom de Bételgeuse.
Deuxième voix. – Bételgeur, tu veux dire ! Car pour moi, nom d’une pipe, malgré ta robe, tu as tout d’un porteur de moustache.
Le personnage. – Bételgeur, si cela vous fait plaisir ; mais mon père et ma mère m’ont toujours appelé du nom suave de Bételgeuse. Des seigneurs accomplis, tels que vous me semblez l’être tous deux, ne peuvent ignorer que c’est aussi le nom d’une étoile.
Première voix. – Nous recherchons la ressemblance, justement.
Bételgeuse. – Ouvrez les yeux de votre cœur, et vous la verrez.
Deuxième voix. – Quel prétentieux !
Bételgeuse. – Ne vous fiez pas à cet habit noir. Dessous palpite la chair d’un être qui a vécu. J’ai été comme vous, ironique et intransigeant. J’ai eu, moi aussi, des principes, des préjugés. J’ai cru que j’allais plier le monde. Mais c’est le monde qui m’a plié. (Il se penche en avant, comme cassé en deux.) Pourtant, je me redresse (Il cambre sa taille.) et je reprends ma route, indulgent, désormais, aux petites misères de mes frères humains. Surtout quand ils sont jeunes. Surtout quand il leur reste à faire l’apprentissage du malheur et de l’injustice. Surtout quand ils sont jeunes, et amoureux. Autant il est répugnant de voir un vieux bouc de soixante ans vouloir se repaître d’un tendron qui pourrait être sa petite fille, autant il est émouvant d’écouter les premiers balbutiements de l’amour, chez deux êtres que tout rapproche : l’âge tendre, l’innocence et la beauté.
Première voix. – Vieille bête ! Tu es parvenu à m’attendrir.
Deuxième voix. – Vieux roublard ! Tu as réveillé mes souvenirs de jeunesse !
Bételgeuse. – Ainsi, vous êtes prêts à entrer dans le mystère. Eh bien, regardez : la comédie prend son essor devant vos yeux émoustillés.
Jean Milési
Pourquoi la statue de sainte Blandine fait-elle l’objet de soins si attentifs ? Quel est ce beau jeune homme, parmi les châtelains, qui parade au bras d’une vieille fille confite dans sa virginité ? Que cachent les sourires niais du baron Gaëtan ? Le curé obtiendra-t-il la récompense qu’il ambitionne ? Sous le regard du mage Bételgeuse, éberlué de son propre pouvoir, le village et le château vont vivre une authentique révolution culturelle, qui ne laissera personne indifférent.
Dans un style subtilement décalé, où l’humour affleure à chaque scène, Oulan-Bator pastiche délicatement les grands élans du théâtre romantique, sans s’interdire l’usage discret de l’anachronisme, ni les surprises du fantastique.
Attention !
Votre panier comporte un livre en souscription, qui doit être acheté individuellement.
Avant de faire tout autre achat, vous devez finaliser votre commande.
Vous pourrez ensuite commander d'autres livres.