Théâtre
12,00 €
juil. 2009
978-2-84921-150-2
06h21
Olga, l’Inconnu.
OlgaLe soleil va bientôt se lever – enfin !
L’InconnuJe n’aime pas l’aurore. L’aurore c’est la mort. Je hais le jour. Il amène trop de visages, trop de voix, trop de vie. Trop de tout. Ça m’étouffe. Le jour c’est la mort.
OlgaC’est beau un ciel qui attend – qui attend la vie.
L’InconnuLa vie, c’est quand ça respire. Ce moment entre nuit et jour, c’est une respiration, un battement de cils. Les paupières s’ouvrent, les paupières se ferment. Le seul moment de vraie vie.
OlgaLe seul moment de vie, c’est l’attente, c’est l’espoir, c’est –
L’Inconnu C’est la première fois ?
OlgaQue j’attends ? Que j’espère autant ? Oui, c’est la première fois.
L’InconnuIl ne faut pas attendre. L’attente tue. Moi, je n’attends rien, rien ni personne. Je fuis. Je monterai dans le premier train qui arrivera.
OlgaMoi, dans le dernier probablement.
L’InconnuEt qu’allez-vous faire jusque là ?
Olga J’attendrai.
L’InconnuQu’attendez-vous ?
OlgaJ’attends mon amant. Un train va le conduire jusqu’à moi et ce soir, un autre train nous emmènera tous les deux loin d’ici.
L’InconnuC’est vrai qu’à votre âge, on attend toujours un amant. J’avais oublié.
(Un temps. Au loin on entend un bruit de train sur les rails qui se rapproche.)
L’InconnuVous entendez ?
OlgaOui.
L’Inconnu C’est le premier, c’est lui, c’est le mien ! Il ne faut pas que je le rate. Je veux manquer l’aurore.
OlgaVous allez partir alors ?
L’InconnuOui. Mais je reviendrai. Quand un train, avant l’aurore, me ramènera ici.
OlgaPeut-être, alors, le jour ne vous fera-t-il plus peur ?
L’Inconnu Et peut-être que vous, vous n’aurez plus la patience d’attendre et que vous partirez, seule ?
(L’Inconnu sort. Sifflement de train.)
Amandine Vincent
Sur le quai d’une gare, comme au bord du monde, retenant son souffle, une jeune fille attend. Olga refuse de céder à une vie qui ne correspond pas à son attente, par peur d’être abîmée jusque dans ses rêves, par peur d’être aliénée et de disparaître dans la foule sans nom et sans visage. C’est une résistante au nom de l’espoir. Elle refuse de changer et entreprend de résister à l’Autre, de résister au temps. Elle fait le rêve fou d’en arrêter le cours.
Olga, c’est la voix d’un espoir brisé qui chante encore en chacun de nous. C’est notre angoisse de mourir, de changer, de grandir. C’est aussi notre désir intense de vivre en restant soi envers et contre tout, envers et contre tous.
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