Théâtre
7,00 €
28 pages
juin 2009
978-2-84921-155-7
Pourrais-je avoir une feuille de papier et un crayon ?Je connais cet endroit.Je dois écrire, dépêchez-vous, je vous en prie !Je sais je sais, inutile de m’expliquer…Je connais cet endroit.Un crayon, s’il vous plaît.…… Les gens se sont moqués de moi dans la rue.Ils se retournaient, me regardaient, riaient.Pourtant, quel beau costume. Blanc, tout blanc.Immense comme les nuages, brillant comme le soleilqui s’y cache derrière, et doux, léger, oh, admirable.Je n’ai pas hésité.Mais tous ces gens ne comprennent rien.… Est-ce ma faute si je n’ai pas pu trouver un autre costume.Le vieux clown se mourait.Je n’ai pas eu le temps !Le propriétaire de ce magasin où je l’ai trouvé a dûentendre, il est descendu en hurlant je ne sais quelvilain mot, déplacé, faux, absolument faux !Je ne suis pas voleur ni assassin.Le vieux clown se mourait poursuivi d’alors par millepolichinelles qui le harcelaient sans cesse dans d’autresdécors pour voler son coeur et son quartier.Alors je me suis dépêché, mais des tas de cartons sonttombés sur ma tête, ça a fait un tel vacarme !Et l’autre qui hurlait toujours.Le vieux clown se mourait et j’aimais son costume,mais les mille démons sont arrivés.Le vieux corps était nu.Et son coeur, son pauvre coeur.J’ai eu peur, je me suis enfui, j’ai couru.Depuis je n’ai plus de repos.Ils ne me laissent pas une seconde à moi……Il n’y a nul rêve qui soit plus pénétrant que je celuique je fais, que celui que je vis.La nuit m’est un délice permanent où je vais sans fin.Je peux regarder le soleil fixement et voir alors d’étranges images qui m’apaisent, sans avoir mal.Je peux marcher longtemps face à la mer, savoir enfintous ses mystères, sans jamais me noyer.Je peux d’un seul élan au moindre appel rejoindre cesétoiles qui me font signe de leurs ailes, sans tomber.Je peux aller aussi dans ce décor blafard où deschoses absurdes s’entremêlent, là où grouillent lesmalheureux troupeaux sans yeux, là où bouge cetteexistence, là où se défait toute manière de vie.Je ne vois rien.Je devine, seulement, cet autre monde, si près de moi.Si loin. Si loin.Tu sais, il faut que tu saches. Que tu saches.Mais, ma lucidité ne dure pas longtemps, alors nem’en veux pas si de temps en temps je rentre chezmoi, chez moi, chez moi…Mais peut-être que tu ne m’aimes plus…Que tu ne m’aimes plus…Je l’ai su l’autre jour dans l’oreille, cette oreille plantée de côté sur la tête de cet homme.Ah, je me suis défendu, j’ai touché et mordu !Du sang. Partout. J’ai vu…Quelle oreille bizarre.…Pourquoi. Mais pourquoi suis-je ici ?Depuis combien de temps ?… Ah, vous les grands !Les nobles seigneurs qui m’avaient fait, je revois vosfaces boursouflées, vos petits vaisseaux sans vie quicirculent pareils à vos égouts dans cet amas, voscrânes qui débordent de vase et de puanteur, votreférocité polie, cet acharnement sur moi, moi, lebâtard !Des années, des années ici, dans ce dépôt des cris etdes douleurs.Parfois vient un frère qui me raconte l’histoire de ceberger… De ce berger qui ne pouvant entasser tousses moutons dans un seul ascenseur a dû…Ah, vous voudriez que je vous ressemble, que je soispareil à vous, moi aussi j’aurais ma petite roue que jedevrais faire tourner chaque jour, au même rythme aumême souffle, sans pousser davantage, ni m’arrêter,sinon ! Sinon… Jusqu’à la fin.Et je deviendrais toupie. Et je serais satellite.Et vous me crieriez tous bravo ! Bravo.Des années. Combien encore ?…… Je suis fatigué. J’ai mal aux pieds.- Tu n’as pas mal aux pieds.Je te dis que j’ai mal aux pieds ! Je marche sur desclous. J’ai mal.- Qu’est-ce que tu racontes ? Tu ne marches pas surdes clous ! Je te dis que je marche sur des clous !- Tu ne marches pas sur des clous, je te dis ! Tu marches c’est tout ! Tu n’es pas un fakir.Si, si, si, je suis un fakir ! Laisse-moi ! Tu m’ennuies ! Ne me touche pas ! Laisse-moi ! Je suis fatigué je te dis !- Assieds-toi… Il n’y a pas de chaise.- Assieds-toi par terre. Non, pas par terre ! Il n’y a même pas de chaise ici !
Gérard Vantaggioli
Il venait d’on ne sait où, d’une rue déserte un soir d’orage, qui débouchait sur une autre rue, déserte elle aussi, la même nuit, ou d’un « asile » d’où il se serait échappé.
Une enseigne brillait.
Une entrée, où il s’engouffra.
C’était un théâtre.
Dans le noir, à ses pieds, gisait un vieux costume de Pierrot. Il le saisit croyant secourir le corps entier.
Le tenant serré contre lui, il se retrouva dans le souvenir d’une plage et le chant de la mer.
Et tout semblait se transformer à chacun de ses pas, sous un soleil voilé, comme oublié dans le théâtre, là où les images et les mots tracent l’unique chemin de sa fuite.
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