Chapitre 1

Ul-Boubadas ne voit pas l’horizon et il n’y a que du blanc devant ses yeux. On n’aurait jamais dû quitter Valir, pense-t-il.— Vois-tu quelque chose ? lui demande Uli-Melissa.L’homme se tourne vers la caravane et leur crie :— Avançons c’est notre seul espoir ! Cette tempête de neige ne nous laisse pas d’autre possibilité.— Si nous ne trouvons pas un abri notre seul choix sera celui de notre tombe ! Et encore… Les bêtes ne peuvent plus tenir bien longtemps, ce froid va les tuer ! lui hurle Ul-Henrias.Boubadas va lui répondre quand la cause de tout ceci lui revient d’un coup et ça lui semble déjà une éternité qu’ils ont entrepris ce voyage alors qu’il ne s’est écoulé que six jours…

Huit jours plutôt l’Empire Tarc a déclaré la guerre aux villes du Commerce. Valir est le troisième carrefour commercial du Pays des Plaines et il est évident que les Légions Noires des Tarcs ne vont pas tarder à marcher sur elle. Dès l’annonce du conflit, la confrérie des villes Troc, les villes commerçantes, a recruté des armées de mercenaires pour leur défense. La confrérie du commerce n’entretient pas d’armée, les cités ont des policiers et quelques hommes en armes pour les défendre mais tout ça n’a rien à voir avec une armée régulière. Les premiers combats ont lieu près de la ville de Verir, six heures à peine après la déclaration de guerre. Mais ce ne sont que de petits accrochages, les véritables combats sont à venir.Cette guerre a tout pour être longue, dure et très meurtrière.Du coup un exode rapide a eu lieu du Pays des Plaines vers celui du Sable, ou chez les Nomades, les seules contrées viables pas encore touchées par le conflit, mais personne ne se risque vers le Pays du Froid. Il y a des migrations importantes, d’un côté ceux qui fuient la guerre et de l’autre ceux qui la cherchent et la souhaitent.Le Pays du Froid, quelle folie pense Boubadas. Cela fait six jours qu’ils errent dans cet enfer blanc par moins trente degrés. Rien, ils n’ont pas croisé âme qui vive. Ce n’est pas la guerre qui nous tuera pense Boubadas en se frottant la poitrine nerveusement alors que Melissa le sort de ses pensées en lui criant.— Il n’y a rien au Pays du Froid ! Faisons demi-tour !— Il est trop tard ! Les bêtes ne le supporteraient pas et nous non plus. Il est vraiment trop tard, termine-t-il tout bas pour lui-même.

L’homme regarde la caravane, enfin ce qu’il distingue dans ce paysage tout blanc, d’un blanc aveuglant. Leur caravane est composée de sept chariots mais il n’en voit que deux… Leurs bêtes, des yacks, sont épuisés et il n’est pas nécessaire d’être guérisseur pour le voir. Les pauvres animaux ont une couche énorme de neige et de glace sur leur dos.S’ils ne trouvent pas un abri leur destin est tout trouvé, songe Boubadas en voyant les chevaux avancer à l’abri des chariots, et le sien qui baisse la tête au maximum pour éviter les rafales du vent glacé. L’homme ne sent plus ses jambes et ne parvient plus à n’ouvrir qu’un œil, l’autre étant collé par du givre. À part Melissa et Henrias, il n’a plus entendu un seul de ses compagnons depuis plusieurs heures.C’est la fin… Dans quelques minutes nous serons tous morts de froid et d’épuisement, pense-t-il.— Nous n’aurons même pas servi de dîner à un Grand Tueur, putain de légende, murmure Boubadas dans son désarroi.— Bouba ! Bouba ! hurle Ul-Philippas en courant comme il peut vers lui.— Philippas ! Que fais-tu ? Retourne dans ton chariot, nous allons tous crever dans cette merde. Il… — Non ! Regarde sur ta gauche nom d’une Lune !Boubadas lève les yeux dans la direction que lui indique Philippas de son bras en lui disant :— Qu’est-ce que tu me racontes ? Je ne vois rien, il n’y a rien au Pays du…Et là, dans ce décor diabolique et glacé, il voit.— Merdasse, mais qu’est-ce que c’est ?— Le Refuge 444 !— Déconne pas Philippas ! Le Refuge 444 n’est qu’une légende !— Ha ouais ! Et ça ! C’est une bicoque pour ours blanc peut-être ! lance Philippas avec rage.— Hé ! les mecs, vous ne pensez pas que c’est le Refuge 444 ? intervient Melissa en apercevant la bâtisse.— Tu ne vas pas t’y mettre aussi, lui répond Boubadas.— On ne va pas discuter pendant trois lunes là-dessus, c’est notre seule chance !— Tu as raison Philippas, on dirige la caravane sur cette demeure et nous verrons bien.

Dans un dernier effort tout le monde avance vers le Refuge 444.