Dans quel endroit et à quel moment de la journée préférez-vous écrire ?

L’écriture se fait au moins en deux étapes : la première, c’est quand les phrases se déroulent dans ma tête, vite, trop vite. Alors, là, c’est partout, tout le temps. Avec une prédilection pour la voiture, la douche, le chemin de l’école, la promenade au parc… À croire que mon imagination choisit tout exprès des moments où il m’est impossible de poser les mots sur mon clavier !

Ensuite vient la deuxième, la « vraie ». Bien sûr, les merveilleuses phrases toutes parfaites se sont perdues dans les méandres de mon cerveau (dans les tuyaux de la douche, entre deux souches d’arbres, entre deux noms d’oiseaux destinés à cette grosse voiture aux vitres teintées, noire, de luxe qui me fait une queue de poisson : exit l’étape 1. Donc, j’écris sur mon petit note-book, le soir, la nuit, dans mon lit, dans le fauteuil du salon, au calme, quand la maisonnée dort.

 

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

1) Ma vie quotidienne : ma fille, Anouk, polyhandicapée et épileptique, l’expertise médicale que ses soins m’ont donnée.
2) La télévision, les séries.
3) Mes souvenirs d’enfance, les gens que je croise, qu’ils soient proches ou régulièrement vus, ou bien qu’ils soient de parfaits inconnus dévisagés une seule fois au bureau de poste.
4) La musique : sans avoir spécifiquement cherché à mettre un fond musical précis durant mes heures d’écriture, je me rappelle comme l’ambiance des albums que j’écoutais en boucle à cette période a influencé mon humeur et donc, la « couleur » de mes héros.

 

Comment avez-vous choisi le nom de vos personnages ?

Cette question est amusante. En tant que lectrice, je me la pose souvent. En tant qu’auteur (et c’est sans doute un peu « cliché » de répondre ainsi, mais tant pis), je dirai que j’ai choisi un prénom pour mes personnages comme je l’ai fait pour mes enfants. Enfin pour être exacte : j’ai donné à Fay, Bianca, Kim, Luke, Aliz, etc. Les prénoms que je ne pouvais pas choisir pour mes enfants, bien qu’ils me plaisent infiniment. Ceux que mon conjoint n’aimait pas (« Bianca », même si je persiste à croire qu’il irait comme un gant à une certaine petite demoiselle très décidée) ou encore ceux qui présentaient un « frein » pour servir dans la vraie vie : « Kim » pour un garçon, c’est inhabituel, ça me plaît, le diminutif de « Kimbal », comme chez Kipling. Mais c’est trop « Kimberly-serie-B » et assimilé d’emblée à une fille. « Luke », « Fay » : deux prénoms que j’aime voir écrits mais qui sont plus difficiles à l’oral. « Luke », c’est le Skywalker, et il ne doit JAMAIS ressembler à « Luc » (que je déteste, c’est comme ça, c’est « cul » à l’envers…). Et que diriez-vous d’un « Fay ? Fais tes devoirs. » ou bien : « Qu’est-ce qu’elle fait, Fay ? » ? NON !

Pour les autres protagonistes, j’ai choisi des sonorités approchantes du nom de certaines personnes dont une partie de la personnalité se trouvait prendre part à la composition de celle du personnage (oui, car aucun n’est la copie conforme d’une seule personne vivante ou ayant existé, selon la formule). Des mots déformés, combinés, enlaidis parfois, rendus ridicules : beaucoup sont de pures inventions, particulièrement les noms de famille. Par ailleurs, les « méchants » ont des noms rugueux, désagréables : « Kulak », « Joris-Héron ».

Pour « Renoir », et « Harlow », il y a eu de la recherche. Il fallait, en premier, un nom français, typique et flatteur pour notre culture, sans tomber dans le « Dupont-Durand » ni un trop gros cliché. Comme Fay est artiste, c’est vers les peintres que je me suis tournée. Pour le nom de la famille anglaise de Luke, je voulais une belle sonorité, un agencement de lettre plaisant (ah oui : j’adore les « grosses » lettres à 10 points au scrabble) et un cachet « british ». De plus, le château dans la banlieue de Londres, « Harlow Manor » existe vraiment, volontairement. C’était important, pour moi, d’ancrer mon récit pour le rendre vraisemblable.

Au final, j’aime beaucoup choisir les patronymes. C’est amusant, ludique comme un code secret et j’y mets beaucoup de sens.

 

La bio complète de Marlène Chombart-Lemoine