Chapitre 1

L’été touchait à sa fin. C’était le jour de la rentrée des classes, ce jour que j’avais à la fois tant redouté et tant attendu. J’avais passé mes vacances sur la Côte d’Azur : deux mois à profiter du soleil, du sable chaud et de la mer ! Deux mois d’insouciance totale entre les balades en bateau, les parties de chasse sous-marine, le ski nautique et les courses de jet-ski. Je repensais avec nostalgie à l’odeur de la mer, au soleil brûlant, à toute cette vitamine D infiltrée dans les pores de ma peau. Ces moments-là étaient bel et bien finis – du moins pour cette année. J’étais tout de même heureuse de retourner sur les bancs du lycée ; c’était la dernière année, celle du bac. Après, je pourrais enfin réellement m’émanciper ; être étudiante ! J’étais ravie de revoir mes amis. À chaque rentrée, c’était la même chose, on avait à la fois trop peur et trop hâte de se retrouver !

Quand le réveil sonna, c’est finalement emplie de joie que je me préparai pour cette grande journée de retrouvailles. J’enfilai un jean propre et le tee-shirt manches longues noir et gris que j’avais acheté spécialement pour l’occasion.

Mes parents refusant de m’offrir un scooter – mon père avait peur qu’il m’arrive un quelconque accident –, c’est en vélo que je me rendis au lycée. Il ne me fallait que dix minutes.

Je devais attendre encore un an pour pouvoir passer mon permis de conduire et goûter à la liberté que peut procurer une première voiture. Bref, encore une longue et interminable année…

Quand j’arrivai devant les grilles du lycée, Edwina était déjà là. Elle était l’une de mes meilleures amies. Elle respirait comme toujours la joie de vivre, souriante, insouciante, se réjouissant des petits riens de la vie. Nous nous étions téléphoné la veille et étions convenus de nous

retrouver une demi-heure avant la convocation. Ses cheveux avaient poussé, ils étaient mi-longs, parsemés de reflets blonds. Elle n’avait pas changé. Elle était partie tout l’été en famille d’accueil à Londres pour parfaire son anglais – enfin, c’était la version officielle… Elle aussi était tout excitée à l’idée de revenir au lycée.

 En traversant la cour, nous nous dirigeâmes vers l’amphithéâtre où les élèves du secondaire commençaient à se rassembler. J’avais commencé à repérer mes anciens camarades de classe quand nous fûmes attirées par un groupe – notre groupe d’amis. Je vis d’abord Thierry. Il avait encore grandi, il devait bien mesurer plus d’un mètre quatre-vingt-dix. S’il avait eu un look un peu moins « premier de la classe » avec son pull uni en laine col V, toutes les filles du lycée auraient pu succomber devant ses grands yeux bleus. Nous avions beaucoup d’affinités. Il était mon meilleur ami, mon confident, il se comportait avec moi tel un saint-bernard. Nous ne nous étions pas vus de tout l’été. Il était parti rendre visite à un de ses cousins en Australie. N’ayant ni frère ni sœur, je le considérais un peu comme tel. Lui envisageait les choses différemment… Nous ne pouvions avec Thierry et Edwina, passer plus de trois jours sans nous téléphoner ou nous voir. Leurs numéros étaient en forfait no-limit sur mon forfait de téléphone, sans quoi cela m’aurait coûté une fortune ! Vive la technologie moderne !

Alison était arrivée. Elle était la douceur incarnée. Nous nous étions vues pendant les vacances. Avec les années, nos parents étaient devenus amis. Elle était venue me rejoindre sur la Côte pendant deux semaines, les deux semaines les plus courtes et les plus passionnantes de sa vie amoureuse.

Bien que son principal sujet de conversation ait été David, un de nos camarades de classe, elle avait fait la connaissance, lors d’une excursion sur l’île du Levant, d’un beau Hollandais en vacances dans l’un des campings proches de notre lieu de résidence. Néanmoins, lorsqu’il était reparti dans sa contrée nordique, elle avait perdu tout espoir de pouvoir donner une suite à leur amourette.

Tout en lui faisant la bise, je glissai quelques mots à son oreille :

— Tu as des nouvelles de la Hollande ? 

Elle secoua la tête en esquissant une petite moue. Son flirt estival allait certainement en rester à ce stade… Je lui répondis par un petit sourire compatissant. Je ne doutais pas que David saurait la consoler le moment voulu. David était le « prétendant en titre » d’Alison. Elle était prête à succomber. Ce dernier n’aurait pas à attendre la fin de l’année pour qu’elle tombe dans ses bras ! Elle m’avait rebattu les oreilles tout l’été avec lui : David par ci, David par là…

J’eus à peine le temps de tourner la tête que ce dernier me prit par les épaules avec un sourire pincé et me posa une question que je ne compris pas dans un premier temps :

— Tu as des nouvelles de Galus Suttler ?

« Pourquoi aurais-je des nouvelles de Galus ? » me demandai-je intérieurement. Même si nous étions dans la même classe l’année précédente, même s’il avait le regard le plus troublant du lycée, nous ne faisions pas partie du même « clan ». De surcroît, il ne m’avait jamais porté un réel intérêt, sauf pendant les cours de français où il était placé derrière moi avec son pote d’internat, François. Ils passaient le plus clair de leur temps à se moquer d’Edwina et moi. Nous avions des amis communs, mais ma timidité ne m’avait pas permis de faire partie de sa bande. D’ailleurs, je n’en avais pas envie. Nous n’avions pas les mêmes centres d’intérêt – motos, voitures de sport, foot… Je n’eus pas le temps de répondre à David par la négative, car Alison nous poussa vers les escaliers afin de commencer à entrer.