Tiens, le revoilà celui-là dans sa boite de conserve à roulettes. Ça fait plusieurs fois que je le vois passer dans le coin à me mâter comme une fille sur les Champs Élysées.
Peut-être que je lui plais ! Enfin un !! Ce serait une aubaine.
Dix-sept ans que je suis seule une fois de plus. Pourquoi je n’attire que des relations éphémères, six mois par ci, deux ans par-là et puis plus rien pendant des années. Qu’est-ce que je leur fais pour qu’on me fuit comme ça ? Et avec le temps ça ne va pas s’arranger. Une vieille peau comme moi. Trois cents ans l’été prochain, vous imaginez un peu ! Oh, il y a bien eu quelques liftings de façade de temps en temps, mais celui-là s’il aime les vieilles pierres il pourra s’occuper un peu mieux de moi, comme la dame de la mairie il y a cinq ans qui m’a fait refaire la perruque, toute en ardoise du Midi. Finis les gouttières qui pourrissaient mes planchers et me trempaient jusqu’aux fondations. J’avais bien cru que c’était la bonne, cette fois-là avec tous les travaux qu’ils avaient commencés, je me disais que ce serait pour du long terme. Et puis pfft… plus rien, du jour au lendemain plus revue la dame avec son tailleur gris.
Mais on dirait que c’est elle assise dans la décapotable à côté du grand au volant. Ah, ils se garent et viennent vers moi. Et elle a un dossier sous le bras. Hum, ça sent bon la visite !
Allez, faisons au mieux pour essayer de les charmer : toi la porte d’entrée, tu t’ouvres normalement sans qu’on ait besoin d’un pied de biche, vous, les volets, vous ne claquez pas à tout vent, les parquets, vous ne grincez pas comme de vieilles planches arthritiques et vous les serrures, vous ne me la faites pas un coup je me coince un coup je m’ouvre toute seule. Un peu de tenue s’il vous plait !