Prologue sur le terrain
Oscar ouvrait la marche dans ce dédale souterrain aux murs suintants d’humidité. Derrière lui, les filles, alignées comme un bataillon de commandos, attendaient le feu vert de leur complice afin de poursuivre leur progression. Lorsqu’ils atteignirent le coude d’un étroit corridor qui se prolongeait sur leur gauche, Oscar leva son poing fermé au-dessus de lui. Dans un même mouvement, tout le groupe se figea dans une attitude parfaitement concentrée. Le garçon montra le pouce de sa main toujours dressée et enchaîna son geste par un autre signal qui désignait une direction précise. Gwendoline comprit que cet ordre lui était adressé et s’avança au niveau d’Oscar. Appuyée sur l’arête du mur, elle sortit un appareil du sac qu’elle portait en bandoulière. Elle tendit en direction du couloir qui s’ouvrait devant elle l’étrange boîtier qu’elle tenait à bout de bras.
Ce dernier émit quelques crépitements avant que la jeune fille se tourne vers le groupe :
— Tout est ok. On peut y aller, chuchota-t-elle.
Heather et Darla prirent le relais. Elles parcoururent rapidement l’espace qui les séparait du prochain embranchement et s’aplatirent contre les parois des deux côtés du boyau. Kristen, Abigail et Fiona les rejoignirent à petits pas discrets puis ce fut à Oscar et Gwendoline de s’approcher.
— Pour l’instant, on a tout bon, fit Oscar. Mais c’est trop facile. C’est louche. Je crois qu’on nous réserve une mauvaise surprise.
— Il ne nous reste plus que quinze minutes pour boucler le trajet, ajouta Darla en jetant un œil au document qu’elle tenait devant elle. D’après le plan, le checkpoint se trouve à droite.
— Qu’est-ce qu’on attend alors ? demanda Heather.
— Minute. Faut éviter de se précipiter. Rappelez-vous que c’est l’erreur que tout le monde commet en général, poursuivit Fiona. S’il y a ne serait-ce qu’un mince soupçon de danger, nous devons avancer l’arme au poing.
— Je craignais que tu dises ça, se désola Kristen. Tu es certaine que nous sommes obligés de les dégainer ? En instruction, on n’a pas arrêté de nous seriner de ne les utiliser qu’en dernière nécessité.
— Souviens-toi de ce qu’on nous a dit aussi : « en cas de doute, sortez toujours couvert ».
— Fiona n’a pas tort. Allez ! Préparez vos pétoires ! ordonna Oscar.
Les jeunes gens se saisirent de leur revolver Smith Wesson calibre 38 avec une dextérité peu commune pour leur jeune âge. Au même moment, Abigail, sentant une présence derrière elle, se retourna vivement. Elle aperçut une silhouette à l’autre bout du couloir qu’ils venaient de franchir. Une religieuse se tenait droite comme un « i » et les observait sans bouger. N’en croyant pas ses yeux, elle hésita un instant à alerter le reste du groupe. Le temps de tourner la tête pour prévenir ses amis, l’étrange personnage avait disparu. Kristen, remarquant son comportement singulier, lui demanda :
— Abi ? Quelque chose ne va pas ?
— J’ai vu… Non, rien… Je pensais que nous étions suivis.
— Eh bien, continue de surveiller nos arrières. Le danger peut arriver de n’importe où, ajouta Oscar.
L’explication hésitante d’Abigail ne réussit pas à convaincre Kristen. Cette dernière avait pris l’habitude de se fier aux sens surdéveloppés de sa « petite sœur ». Abi ne se trompait jamais. Elle voyait ou provoquait des choses qui défiaient les esprits les plus rationnels. Les évènements dont ils avaient tous été témoins pendant leurs vacances d’été en Bretagne, ces pouvoirs télékinétiques, ces visions dont semblait capable la jeune femme restaient une énigme pour chacun d’entre eux. Une injonction d’Oscar rappela à l’ordre Kristen. Le groupe poursuivit son investigation des lieux, mais se ravisa très vite lorsqu’ils entendirent des voix lointaines s’approcher. Oscar dressa une nouvelle fois son poing fermé. Apercevant au même moment une porte close sur l’un des côtés du couloir, il indiqua à ses partenaires de s’y réfugier sans attendre. Darla et Heather sécurisèrent l’endroit en déboulant dans ce qui paraissait être une remise avant que tous les autres s’y engouffrent. Une fois à l’abri, ils retinrent leur respiration, leurs armes pointées en direction de l’unique issue. Les voix d’au moins deux hommes passèrent devant eux puis s’éloignèrent. Gwendoline visiblement contrariée secouait son fameux boîtier qui aurait dû les alerter de la présence des intrus :
— Je ne comprends pas. Ce machin est censé biper quand il repère du mouvement. Je suis désolée.
— On ne peut se fier qu’à nous-mêmes. Tu le sais bien, rétorqua sèchement Darla avant d’entrouvrir la porte pour vérifier que tout était redevenu normal.
— On fera le point plus tard. Il ne nous reste plus que dix minutes, fit Oscar. Allez ! Filons d’ici !