Scène IL’arrivée du cirque

C’est le matin. Jivonne et Zazelle viennent prendre leur petit déjeuner en robe de chambre pendant que Brouillon fourgonne dans la cuisine. Sur la table trône la bouilloire.

Jivonne Alors, qu’est-ce qu’on a ce matin ?

Zazelle, reniflant la bouilloire De l’infusion de fenouil, je crois. Tiens, sens !

Jivonne, reniflant à son tourMais non, c’est de l’anis étoilé.

ZazelleBrouillon ! Dis-nous ce que c’est. Jivonne, elle a pas d’odorat.

(Brouillon s’approche et renifle d’un air inspiré, puis il hausse les épaules avec un air d’ignorance.)

JivonneOn est bien aidées, tiens ! C’est de l’anis étoilé parce que t’as pas bonne haleine et c’est digestif et dépuratif.

ZazelleJ’t’en souhaite, ouais ! Mon haleine a rien à se reprocher. Par contre, toi, t’es bien encombrée et t’as ronflé pas qu’un peu ! Hein, Brouillon ? Elle a ronflé ! Le fenouil, c’est un désinfectant des voies respiratoires.

(Brouillon opine, soupire et fait mine de se boucher les oreilles.)

Jivonne, vexéeBon ! On s’en fiche, donne-moi cette bouilloire que je me serve. Puisque c’est pour mes bronches et mes sinus, t’en n’as pas besoin, toi, Zazelle !

ZazelleAttends ! Je sers Brouillon. Doit bosser, Brouillon.

JivonneZazelle, tu m’énerves, hier y’a rien eu pour moi. Gribouillon a déjà bu trois tasses, je suis sûre.

(Brouillon fait signe qu’il est désaltéré, qu’il n’en veut plus. Elles se chamaillent autour de la bouilloire et se collent par le bras.)

ZazelleLâche-moi, Jivonne, ça finit par être agaçant, tes façons.

JivonneParce que tu crois que ça m’amuse !(Elles sont furieuses et se collent par la tête. Brouillon, habitué, va chercher une scie et les détache. Elles se recollent par la hanche.)

ZazelleTu le fais exprès, je suis sûre que tu le fais exprès…

JivonneBien sûr, c’est tellement plaisant !

(Brouillon parvient à les séparer à nouveau mais elles se recollent par le bras. Arrive Flex avec le journal.)

Flex, plein d’énergie et de bonne humeurSalut la jeunesse ! Le matin avec Flex, les nouvelles sont toujours belles. Ben, vous en faites une tête, les filles ! Vous voilà soudées encore ? Et toi, Brouillon, qu’est-ce qu’elles t’ont fait, hein ? T’es tout fripé ? Ah là là ! Heureusement que me voilà !

(Tout le monde reste muet.)

FlexFaut pas se laisser aller comme ça, on se tracasse, on se chiffonne, mais ça entretient l’amitié, hein ! On f’rait quoi tout seul ? Allez, allez ! Haut les cœurs ! Les filles, rabibochez-vous. Brouillon, approche-toi et on attaque la lecture de ce journal… qu’est pas banal.

ZazelleLe gros Brouillon, il a du boulot, l’est pas là pour gober la parade, non mais !JivonneOuais, le Brouillasson, faut qu’il justifie sa pitance !

Les deux sœursOuais, ouste, va brouillonner ailleurs !

(Comme elles sont d’accord, elles se décollent.)

FlexAllez ! Soyez pas vaches, y bossera après.

(Brouillon s’assoit et leur montre les dents, puis il pousse Flex du coude pour qu’il lise le journal.)

FlexÇa va, Brouillon, j’ai compris !(Flex lit le journal et commente. Les autres écoutent attentivement.)Voyons voir… politique :Le grand-duc fait son malin comme d’habitude, rien de nouveau sous le soleil. Vous pouvez consulter son horoscope et voir les photos de sa chasse à courre du week-end. Santé :Le fenouil conseillé en cas de mauvaise digestion et d’haleine chargée… On te l’avait dit, Zazelle ! Étranger :Moins vous en saurez, mieux ça vaudra. Ne vous inquiétez pas le grand-duc est sur tous les fronts.Justice :Débat de fond. Il vaudrait mieux mettre en prison ceux qui n’ont rien fait. On serait alors moins nombreux dedans que dehors, ce qui est quand même le but. Et en plus ça protègerait les innocents.Ah, enfin ! Loisirs :Le cirque Ganglionne nous fait l’honneur d’installer son chapiteau dans la commune. De nombreux numéros inédits, vous n’êtes pas au bout de vos surprises… On se réjouit d’avance… (Il y a même une petite affiche du cirque que Brouillon, très content, accroche au mur. Ils sont tous admiratifs.)Oui, Brouillon ! On verra si on peut y aller.