Sein

Roman

19,00 

178 pages

juin 2004

978-2-84921-037-4

 

Chapitre I

 

L’Enez Sun accosta au Quai des Paimpolais. Un employé de la compagnie maritime se précipita sur les amarres au diamètre impressionnant, lancés par-dessus bord par les collègues. Il s’en saisit tour à tour pour fixer celui de la proue sur la bitte d’amarrage, puis celui de la poupe sur une autre bitte. La bateau stoppa les machines et l’on bascula la passerelle entre la coque et le quai. A peine fut-elle installée que les premiers passagers l’empruntèrent, impatients pour d’aucuns de découvrir l’île.En cette fin d’été, l’Enez Sun débarquait son flot habituel de touristes et quelques îliens revenant du continent. La journée s’annonçait belle et douce.

 

Au milieu de la cohorte de visiteurs d’un jour se détachait un homme de corpulence remarquable. Il suivait les pas de ses congénères tout en jetant de temps en temps un coup d’œil vers le début du quai. Vêtu d’un jean et d’un tee-shirt blanc, il sortait du lot. Ses épaules se balançaient au-dessus du troupeau, sa chevelure blonde lui tombant sur le cou flottant dans la lumière matinale. Il traînait un gros sac, genre marin, d’un côté, une valise rouge de l’autre. La foule s’éparpillait devant le seul restaurant qui s’affichait face au débarcadère, la plupart des voyageurs organisant déjà leur visite autour du déjeuner. Le menu proposait des moules. Certains salivaient de plaisir. De petites charrettes à deux roues, tirées à bout de bras, attendaient qu’on les charge de bagages et s’évanouissaient dans les ruelles en direction des hôtels, rares, ou des meublés, pour ceux qui resteraient passer la nuit au milieu de l’océan.Notre homme avait posé son barda à terre, les mains sur les hanches, scrutant la placette qui s’éclaircissait.— Docteur Maupuis ?Il tourna la tête, surpris par cette interpellation surgie dans son dos.— Oui.— Bonjour, je suis le maire de Sein, André Le Garzic. Je suis chargé de vous accueillir.— Bonjour, Georges Maupuis.Les deux hommes se serrèrent la main cordialement.— Vous avez fait bon voyage ?— Pas trop mal. La mer était belle.— Nous vous attendions avec impatience. Nous n’avons plus de médecin depuis l’hiver dernier. Merci d’avoir répondu à l’annonce… Mais venez donc au café, nous serons plus à l’aise pour parler. Je peux prendre un de vos bagages ?— Volontiers.

 

Ils cheminèrent ainsi le long du port, contournant les maisons qui surplombaient la baie, face au continent que l’on distinguait sur l’horizon.Le maire n’avait pas dit grand chose jusqu’au café, se contentant de redresser sa casquette marine usée par les manipulations. Grand sec, affublé de lunettes cerclées de résine marron, un mégot au coin des lèvres, il avait la démarche d’un vieux loup de mer, habitué au tangage. Sa vareuse et son pantalon de pêcheur, d’un bleu délavé, semblaient avoir traversé toutes les tempêtes.Le premier magistrat de l’île poussa la porte du café. Au-dessus de la porte, le docteur Maupuis put lire “Café des Mouettes”. Un brouhaha lui parvint aux oreilles aussitôt la porte refermée. Il constata que les tables étaient pratiquement toutes occupées par des vieux. Il faut dire que le bar ne contenait pas beaucoup de tables, tout au plus cinq ou six. Mais elles affichaient complet. À l’entrée du maire et du docteur, un léger abaissement du bruit se fit sentir, les têtes se levant des verres. Certains saluèrent le maire d’un geste de la main et le bruit recommença. Georges Maupuis releva que les paroles s’avéraient fortes, sèches, selon un accent propre aux terres finissantes de Bretagne. Tous discutaient en breton.Se faufilant entre les tablées, ils atteignirent le fond de la salle et se casèrent contre la cloison, presque dans la pénombre. Au mur, tout près d’eux, trônait une ancre de marine rouillée par le sel. À ses côtés, une photographie représentait un bateau de pêche. Au bas de la vue, s’inscrivait le nom du navire : “La belle Angèle”.Le maire remarqua que le docteur s’intéressait à la photographie.— C’est un bateau qui a fait naufrage il y a une dizaine d’années.Il n’y a pas eu de survivant, tous de l’île. Ce drame est encore ancré dans les mémoires ici. Vous savez, la vie sur l’île n’est pas rose… Qu’est-ce que vous prenez ?— Un rouge.Après un léger mouvement de surprise, le maire commanda en criant au patron.— Deux rouges !Il reprit.— On vous a trouvé une chambre avec une cuisine. Je vous y conduirai tout à l’heure. Votre cabinet est à deux pas de là. C’est un peu humide, car il n’a pas été occupé depuis la mort de notre ancien médecin, en janvier.— Il était âgé ? se hasarda le docteur.— Soixante-quinze ans.— Il exerçait encore?— Oui…— Pardon, fit le patron en déposant les deux ballons de rouge.— … Oui. Il voulait arrêter, mais la population ne le souhaitait pas.Vous pensez, un médecin comme ça, on se le garde. Cela faisait trente ans qu’il nous avait rejoints avec femme et enfants. Ils venaient d’Audierne.Avant sa mort, il y avait belle lurette que les enfants étaient repartis sur le continent travailler. Seule sa femme, une brave personne, l’avait accompagné jusqu’au bout.— Il est mort de quoi ?— Une crise cardiaque. Faut dire que c’était un grand fumeur.

Sa femme l’a trouvé mort dans son fauteuil, derrière son bureau. Mort en scène quoi ! Marie, c’est le nom de son épouse, est repartie depuis, préférant rejoindre ses enfants établis à Brest. On l’a revue une fois en juin, venue prendre quelques affaires et dire au revoir à certains. Ah ! gast ! c’est fini tout ça.

Extrait

 

Sein et sauf

Loïc Quintin

L’auteur nous livre son premier roman, Sein et sauf, et nous entraîne au cœur d’une île où la nature sauvage forge le caractère et le cœur des hommes.

Vous  découvrirez Georges, Marine, et les autres habitants de l’île de Sein.

Médecin récemment arrivé, Georges fait la connaissance de Marine, sauvageonne qui vit sur l’île depuis son enfance et qui est atteinte d’une  grave maladie. Petit à petit, les liens se tissent entre l’îlienne et le nouvel arrivant.

Page après page, nous voyageons sur les vagues d’un amour naissant et partons à la rencontre de paysages et d’hommes qui sont les éléments si particuliers de l’île.

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